[RP FERME] De la rencontre du feu et de la glace | Clôturé

[Encres Nomades]

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Acceptant humblement le poids de cette confession à la saveur inédite que d'aucuns jugeraient peu conventionnelle entre ces deux êtres que le hasard, en maître de l'humour, avait décidé de jeter dans ce coin de l'Imperium, tels deux pions négligeables positionnés sur le même échiquier, Siltaar soupèse mentalement la mesure de cette offre. Pour, finalement, ne pas se gêner ainsi que son hôte le lui a suggéré. L'Artiste cède donc à l'impulsif de sa curiosité, de ce besoin irrépressible, irraisonné, de gratter à la surface de ce sentiment irritant de déjà-vu, de creuser le terreau de cette sensation qui la taraude, ballottant entre attrait et répulsion. Dans un ballet presque symétrique, ses mains s'extirpent de l'abri de ses coudes repliés pour voleter vers le dernier cahier incriminé par son regard avide d'en soutirer la substantifique moelle.

Certes, le Temps a filé. Peu lui chaut au demeurant, du moins ne s'en soucie-t-elle pas tant elle semble absorbée, son attention aspirée par ces crayonnés dévoilant leurs univers aux biomes hétéroclites. Et le Temps file encore au gré de ces errances artistiques qu'elle appréhende, cependant que ce dernier journal se livre à son tour, feuillet après feuillet. Le ton change, l'atmosphère de ces graphies se mâtinant d'une troublante obsession dont la fragrance nostalgique, poignante, ne la laisse guère indifférente. Page après page effeuillée, la cadence de ses doigts fureteurs s'alentit pour s'immobiliser sur le constat d'une découverte qu'elle n'ose tout d'abord exprimer. Le sourcil froncé, la Musicienne rebrousse lentement le fil bruissant de ce folio comme pour confirmer la théorie que son esprit lui a insidieusement soufflée.

— … Voth Prime. prononce-t-elle, tout bas, cependant que son regard d'opale, s'élevant vers le faciès du réfugié, se voit soumis à l'agression des géodes flottant non loin, leur lumière cuivrée irisant sa surface d'effilochées ardentes. Voth Prime-... ? répète-t-elle dans un souffle cassé. Vous êtes originaire de cette lune-... ?!

Une question plus rhétorique que réellement interrogative.

[Yiajmhat]

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Le rythme sur lequel le binôme s'était accordé entre observations incisives et commentaires éclairés se voit rompu par la note discordante d'une question interpelant le vothian. Tel un coup de poing imprimé entre ses côtes, la consonnance de ce nom honni coupe momentanément le souffle du maître d'armes dont les paupières tatouées s'écarquillent sensiblement. Ses pupilles autrefois à l'étroit dans leur écrin de verdure s'étirent, félines, et dévorent partiellement la jungle irisée qui y a étendu sa mangrove. Un silence s'installe, dont la seconde interminable s'aligne sur le tempo mutique d'un cœur ayant manqué un battement ; à la surprise se joint une guirlande d'émotions contraires que les mots ne suffisent à décrire et à contenir en quelques lettres. Les yeux s'affinent, fendent l'émeraude en deux fragments mêlant incompréhension et suspicion au diapason l'une de l'autre. L'idée même que la Musicienne décèle l'emplacement de ces endroits si caractéristiques de sa lune natale depuis toujours fermée à toute visite touristique le laisse coi, interloqué. Une fissure entrouvre la voie de ses mots butés contre l'émail de sa dentition, en vain : formuler une réponse intelligible et plus encore, une question pertinente, implique l'entièreté de son énergie jusqu'alors consommée au déchiffrement du faciès blafard. Ce faisant, sa posture rigide et froidement éloignée du support bétonné de ce plan de travail moderne s'axe désormais de façon à prendre appui sur ses bras croisés, l'intérêt piqué au vif, transpercé d'une estocade inattendue.

— ... En effet, retourne-t-il en abandonnant l'idée de fomenter le concept d'une interrogation à lui renvoyer en pleine figure. Certains corps diplomatiques bénéficient d'une sortie de quelques heures afin de visiter ces lieux emblématiques.

Subtile, cette remarque masque une demande bien plus spécifique. Tous deux savent, semblerait-il, que cette lune n'accordait de sauf-conduit qu'aux émissaires de l'Imperium et autres cortèges politiques conviés pour quelque congrès d'envergure, aussi rares soient-ils. L'Artiste devait y avoir eu son importance, mais sous quelle tutelle ? Selon quel rôle ? Absorbé par le millier de revendications foisonnant entre ses tempes tel un typhon, Zak'm ne remarque plus la scrutation imperturbable que son invitée subit alors que cet acupuncteur plante les aiguillons de son regard dans ces agates noires à l'écrin d'argent. Et ce magnétisme incessant, abscons, de retentir avec plus de virulence désormais qu'Elle sait davantage de Lui.

[Encres Nomades]

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La réaction physique du supposé vothian, toute en contradictions, souffle à l’esprit alerté de l’Artiste la perspicacité de son hésitant diagnostic. Mais également l’erreur d’avoir verbalisé le trajet emprunté par son cerveau à travers l’histoire intimement narrée par le crayonné de ces pages. Subtile est la remarque, en effet, à tel point que sa senestre, figée sur le canevas fissuré d’une falaise, s’immole dans un bref sursaut nerveux. Une fausse note dans la partition au phrasé neutre que lui joue son cœur heurte ses côtes d’un spasme douloureux ; son estomac s’agite, semble aspiré par quelque succion invisible et vorace. Une apnée instille son désagrément sur ses poumons comprimés, cependant qu’elle se retrouve happée au cœur du magma de cet océan gris-vert qui l’engloutit, s’acharne à la bousculer, la rejeter et l’attirer encore, et encore, telle une baïne jouant cruellement, insatiable, avec le baigneur insouciant. Usant de toute la discipline dont elle est capable, la jeune femme s’arrache à l’attraction abrasive de ces prunelles l’entoilant, tel l’oisillon pris au piège, et se réfugie sous l’auvent de ses paupières aux vantaux abaissés.

— J’ai-… amorce-t-elle dans une inspiration contrariée qui lui permet de retrouver un simulacre de contenance, les doigts de sa main gauche reprenant le fil de leur parcours digital sur le reliquat inviolé du carnet. … Fait partie, par le passé, de la suite officielle d’un-… Membre d’une Maison vassale des Kaleel-Nabad. Je n’ai vu-… Kolesende, qu’une seule fois.

L’errance artistique se poursuit. Son intérêt innocent, son humeur curieuse, s’en voient pourtant altérés par les échos lancinants de cet incident diplomatique que la Musicienne tente de museler, de refouler. Ils sont comme un acouphène assourdissant ses tympans. Or, voilà qu’une autre série de croquis se révèle avec toute l’inclémence sadique d’un félin tapi dans l’ombre, et près de bondir sur sa proie acculée. Et condamnée. Car sous son regard qui s’écarquille d’une terreur presque viscérale, animale, Siltaar reconnait les lignes de ces coups de fusain empruntés à la culture d’une lune qui fut à la fois le berceau de son éveil primitif au monde et le sépulcre de son existence morcelée de mensonges et de trahisons ; l’architecture évoquant l’antique civilisation gréco-romaine qui vécut ses heures de gloire sur Terra s’épanouit sous le feu glacé de ses prunelles voilées d’humidité.

Fontaines, ponts, florilège de voûtes et d’arches, colonnades et péristyles, patios secrets se matérialisent en ébauches stylisées, et semblent attendre le coup de crayon final ; aqueducs, basiliques et complexes thermaux scintillent sous le manteau hiémal de l’éternel hiver de Pyrrha. Pyrrha. Enfin, crevant le vélin de son arrogance glacée, le Dédale de Verre se déploie, vomit son enchevêtrement transi de corridors mortels sous l’impressionnant hémicycle de marbre et de pierre formant l’amphithéâtre dont l’orgueil surplombe le vertigineux précipice. Pourquoi ? est le seul mot interrogatif qu’est capable de formuler son cerveau en cet instant.

Pourquoi ?

— Merci-… ! parvient-elle enfin à formuler au terme d’une déglutition pénible qui étrangle, par à-coups nerveux, sa gorge. Elle force un sourire à l’esquisse brisée, tremblée par la morsure cinglante que lui inflige ce rappel à l’ordre de sa mémoire. Merci pour-… Ce partage. Avec une maîtrise invoquée par quelque obscur mantra susurré mentalement, elle referme les pages charbonnées du fauteur de troubles et le repousse. Il doit se faire tard, je-… Je n’ai pas vu le temps passer. Je dois retourner au château.

Sur ces entrefaites à la fragrance de fuite, Siltaar prend appui sur ses paumes soudain moites. Et se lève.

[Yiajmhat]

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Ce que le vothian ne sait lire chez les individus qui ne captent guère son intérêt, il le décèle cruellement dans le dessin de ce visage lacéré que le sourire quitte aussi sûrement que l'incarnat. La pâleur frisant le maladif de son invitée s'amorce progressivement à mesure que l'atrium d'un palais pyrrhan dont le glacial fait honneur au crayonné blanc se dévoile sous l'errance de sa dextre délicate. L'expression figée de la Musicienne jure avec l'éventail d'émotions qu'elle lui avait jusqu'alors présenté, un paon sentimental aux multiples facettes dont la roue se parachève sur l'apothéose de paupières écarquillées. Et de résonner à son oreille le rappel de cette réponse mi-figue mi-raisin, dont le cortège de vagues palabres noie l'information qu'il quêtait. Une maison vassale, les Kaleel-Nabad en possédaient au moins sept. Les visites régulières du maître d'armes et ses supérieurs hiérarchiques sur les littoraux d'Itzamatul, sa fréquentation d'une dignitaire lykéenne en ces somptueux palais, ne l'avaient pas épargné en ce qui concernait les rencontres diplomatiques. Bons amis de leur lune jumelle Voth Posterior, il en connaissait le contingent sur le bout des doigts. Zeke-17 n'approchait leur planète mère qu'au travers de communications holographiques, ce qui la distinguait d'office. Nilvosie et sa lune alliée dans les affaires du tourisme étaient bien assez placardés pour les éliminer de ses suppositions sans attendre. Tor'Uqan, Kankoiter, toutes ne goûtaient pas le jeu politique et se targuaient d'un représentant apparaissant trois jours de l'an. Si bien qu'associant l'image inversée de ces façades givrées, de ces impasses piégeuses et autres subterfuges qu'il dût endurer au sein de ce Dédale, à la stupeur abêtissante instillant sa névrose sous le front de l'Artiste, seule une hypothèse tenait encore debout : Pyrrha. Cette étrangère avait assurément, sans l'ombre d'un doute, escorté la Maison Varitheios.

Zak'm n'allège plus l'atmosphère étouffante de sa documentation orale, laissant à cette juge le soin de trancher sur le verdict de cette visite. La précipitation vacillante des pâles digitales accusant la pesanteur de ces souvenirs crayonnés referme fugitivement la couverture souple du fascicule effeuillé et le maintient clos avec insistance au risque que ses esquisses ne reprennent vie. Cette fuite, le vothian en reniflait l'âpreté comme un chien de chasse. Le masque que la Musicienne se veut garder est fissuré par l'incertitude de son rictus que ses paupières ne suivent pas, frondeuses. Car désormais, il sait Une vérité. Une révélation qu'elle s'adonne à vainement dissimuler sous le tapis de ses nébuleuses assertions que son corps entier trahit sans l'ombre d'une hésitation. Néanmoins, et en dépit des relations particulièrement hostiles de leurs lunes respectives, le basané n'exprimait qu'une légitime fascination pour le talent de ce cruel hasard. Une fascination qui le pousse à glisser de son siège avec la souplesse d'un python, à contourner le plan bétonné d'un glissement ophidien pour mieux vouloir, tenter du moins, enrouler ses doigts encrés autour du poignet féminin pour la retenir, viscéralement. Cette approche sans calcul ni intention autre que celle anoblissant son estomac d'un arceau constricteur tend à le surprendre lui-même, car il pressentait cette velléité de goûter à cette peau de glace d'une caresse du pouce incontrôlée sans être en mesure d'en garantir l'exécution si le rongeur qu'il pourchassait trouvait la fuite.

— Siltaar. Ce ne sont que des dessins, hm ? Si j'avais anticipé le fait qu'ils vous soient incommodants... murmure-t-il presque en dépit de l'absence étouffante d'écho, quêtant son regard opalescent en penchant le chef.

[Encres Nomades]

 
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Le souriceau n’a guère le temps de piétiner l’amorce d’une manœuvre fugueuse, tant son mésaise alentit ses lâches intentions d’une mante de plomb. Prostrée, prise de vertige, Siltaar se perd dans l’observation affolée, à la fragrance hallucinée, de ces murs à la teinte aréneuse qui l’enferment dans cette véhémente réalité. Comme animés par le jeu faseyant des sphères lumineuses en lévitation, cette peur irraisonnée stimule sa perception d’une donnée faussée qui lui fait imaginer, avec un effroi maladif, l’approche de leur frontière jusqu’à peut-être vouloir l’écraser. Et l’asphyxier. C’est à peine si elle perçoit l’agile déplacement de Zak’m, coulant jusqu’à sa position tel un serpent, ses doigts s’enroulant sur la finesse d’un poignet et s’y crochetant. Le contact charnel, tangible et ardent, la fait sursauter ; court-circuite l’élan d’une crise de panique tout en repoussant le caractère prédateur de ces parois voraces que son cerveau, passablement stimulé par le trouble anxieux de sa claustrophobie, a généré.
 
D’un mouvement sec, sur la défensive, tourne-t-elle son faciès vers celui, penché, de l’homme du désert. La bouche s’entrouvre pour aspirer cet oxygène qui lui fait soudain défaut cependant qu’elle remet l’identité de l’importun qui ose porter la main sur elle. Sous le poignet incarcéré par la patte brune, son poing se ferme. Dans un frisson qui grène sa peau de chair de poule, perçoit-elle la cajolerie imperceptible d’un pouce au cal rugueux. Un battement de cils frénétique chasse une perle d'eau parasite venant souiller l'une de ses pommettes affadies par ce vicieux mal-être. Sa dextre, libre, en écrase le sillage d'un geste mécontent.
 
— Pardon. Vous-... Vous n'y êtes pour rien. bégaie-t-elle, le souffle court, confuse, tout en exerçant une traction amollie sur la serre tatouée emprisonnant son poignet. Je n’aurais pas dû venir. C'était une erreur... enchaîne-t-elle en tentant de se désengager de cette proximité, le regard pourtant verrouillé sur celui de son hôte. Je dois sortir, s'il vous plaît-... !

[Yiajmhat]

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Le toucher ardent capte la traction fugueuse que la Musicienne exerce sous la poigne solide quoique compatissante dont il réalise l'audace d'un froncement de sourcils. Lui-même n'a répondu au mal-être de son invitée que selon le métronome d'un soliste battant la mesure sous son sternum et dont le concerto a susurré un ordre pernicieux à son oreille. D'un sursaut contenu, les fers aux barreaux de cuivre s'ouvrent sans attendre et libèrent la peau tiède de leur ardente emprise que l'aiguillon de la lucidité abrège avec virulence. Si l'Artiste se désengage de cette incarcération soudaine, son entière physionomie en fait autant mais manque de peu d'être acculée au béton inexpugnable de sa cellule. Alors d'un même mouvement, motivé par une prise de distance devenue nécessaire, Zak'm s'écarte de la scène de sa propre incartade non sans détourner le halo viride de son regard sur le sol infertile. La supplique que les lèvres à l'incarnat rosâtre forment timidement ont le tranchant de l'obsidienne et estoquent la rigueur virile d'un pic glacial : cet écart était inexcusable au regard de son enseignement séculaire qui ne lui tolérait aucune débauche. Toute cette tension instille en ses mâchoires la sensation d'un grain de sable dans leur engrenage, maintenues closes par la crispation nervurée que la peau tendue de son cou exacerbe.

Sobrement, le vothian courbe le chef tel un soldat du rang saluerait son caporal et s'évade jusqu'au hall dont il traverse la plaine désolée afin de crocheter la poignée de sa porte d'entrée. Ce faisant, il escorte son invitée hors du bunker solitaire dont la sobriété l'agressait tandis que son vantail maintenant béant présente les prémices d'un trottoir baigné d'une lueur pâlichonne et aveuglante. Cette erreur, le guerrier discipliné ne l'avait pas commise auprès d'une roturière dont le quotidien s'acte en chapitres mercantiles au détour d'une boulangerie de quartier, non. Elle avait été perpétrée sur un membre éminent de la suite marquisale. Quel idiot. Ruminant la bêtise de l'instinct qu'il n'avait pas su juguler, l'étranger retient le battant de porte à la façon d'un garde prétorien d'une mine contrariée dont il ne lègue pas le taillant des écueils à sa captive qui a toute liberté de reprendre son envol vers de plus importantes tâches.

— Je vous demanderai simplement de passer cette information sous silence, demande-t-il d'un ton qui ne laisse pas place à la négociation.

Ni de doute quant au secret qu'il lui demandait de garder pour elle.

[Encres Nomades]

 
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Dès l'instant où ce comparse exilé s'écarte pour lui laisser le champ libre, l'Artiste perturbée ne tergiverse pas et tricote sans attendre, front incliné en avant comme appesanti par le joug buté d'une seule volonté : celle de retrouver le hall d'entrée, dont la trappe encore scellée appelle à un retour à l'air pur et à la liberté. Dans l'ombre du vothian s'avance-t-elle, le faciès s'apâlissant davantage cependant qu'elle mesure son manque flagrant de discernement, son défaut de prudence. Mais l'heure n'est pas à l'introspection. Le mur se fissure d'un étroit rectangle de lumière lorsque Zak'm se dévoue, mutique, pour lui ouvrir le lourd battant blindé ; un courant d'air, chargé d'humidité annonçant l'ondée imminente, s'engouffre, espiègle tourbillon jouant entre ces deux êtres que tout semble opposer. Agressé par la morsure de cette brise incongrue, le crin charbonneux s'agite et libère les notes suaves d'une fragrance de myrrhe et de jasmin. Siltaar ingurgite ces échappées aériennes d'une inspiration avide qui apaise ses sens malmenés.

La requête incessible que le réfugié de Malkinere lui soumet l'immobilise sur le pas de porte. Resserrant le col de son manteau autour de sa gorge, la Musicienne se perd brièvement dans la contemplation méditative de la rue peu populeuse avant de pivoter vers son vis-à-vis, tout en ne lui cédant qu'un profil de trois-quarts.

— La réciproque est tout aussi-... Valable, messire Zak'm, peu importe l'information que vous inhumerez de notre-... Conversation. rétorque-t-elle, les mâchoires contractées par la nervosité, tandis que ses prunelles à la pupille chavirée le fustigent d'un dernier aiguillon glacé. Soyez néanmoins assuré, et rassuré. Je tiendrai ma langue.

Sur l'énoncé de cette promesse les rendant désormais complices d'un bien étrange secret, Siltaar s'élance sur le trottoir, tout en rabattant le large capuchon sur son crâne anobli de sa couronne échevelée.

— Le Soleil soit sur vous. lui cède-t-elle alors en guise de salutation respectueuse, empruntée à une antique formule du folklore pyrrhan, avant que sa gracieuse silhouette ne s'évapore au détour d'une proche venelle.

Ce n'est que lorsque Siltaar a passé ce virage l'accueillant dans son ombre salvatrice qu'elle s'affaisse contre le mur longeant les pavés pour rejeter le terrible chapelet de sanglots secs qui lui brûle la gorge. Les mains pressées contre son ventre, elle titube, ivre d'angoisse, tout en se livrant à un exercice de respiration, escorté d'un décompte mental, jusqu'à ce que les spasmes daignent s'espacer et s'épuiser. Une fois l'imprévisible de cet épisode d'affolement intense passé, elle reprend sa marche d'un pas tonique pour enfin regagner le Château des Vagues.

[Yiajmhat]

L'accord tacite est scellé d'un sobre hochement de tête qui n'appelle à rien de plus que cela : une entente claire quant à maintenir l'omerta sur ce que leur unique entrevue a déjà révélé d'eux. Et tous deux estimaient d'ores et déjà cela de trop. Zak'm ne lui souhaita qu'une bonne journée, minimaliste dans ses preuves protocolaires autant que dans le chiche de son quotidien entre ces murs dont il cèle la faille béante après s'être abreuvé du dernier éclat lunaire d'un regard fuyant. Là, isolé dans le corridor brut de son appartement, le sol lui paraît s'affaisser sensiblement sous l'action tectonique d'un surprenant vertige repoussant toute sa physionomie contre un mur frais. Une force insensée lui avait fait perdre le fil de sa droiture en un instant catalytique où deux réfugiés d'un lointain système trouvaient enfin un interlocuteur en mesure de comprendre leur désarçonnement. La fissure de son contrôle de lui insuffle un bouillonnement colérique sous son estomac comprimé. Quel IDIOT. Cela allait-il contrevenir à ses ambitions à l'égard de la famille régnante ? Un souffle taurin, magmatique, épate ses narines lorsqu'une petite impulsion du bassin le remet sur pied et lui communique juste assez d'élan pour se rendre dans sa salle de bains. Penché sur la large vasque d'un lavabo impeccablement nettoyé, les luminaires bordant un large miroir plaqué contre la paroi creusent ses traits tirés par le cumul d'un sommeil perturbé. Les épaules arrondies tel un chat échaudé, c'est à grand renfort de fraîches ablutions sur le visage que le vothian initie un instant méditatif, comptabilisant les perles aqueuses croquant les lignes de son faciès s'abandonnant petit à petit à une chute mortelle.

Dix heures du matin sonnaient. Déjà. Tamponnant consciencieusement sa barbe charbonneuse constellée de fragiles bijoux iridescents pour en absorber l'humidité entre les fibres d'une serviette de bain, le maître d'armes un minimum conscient de devoir faire bonne figure hors de son antre démêle le sac de nœuds de son épaisse crinière ondulée et en noue les premières mèches sous le pic convexe de son crâne. Son activité matinale abruptement avortée le laissant sur sa faim, le vothian empoigne la sangle d'un sac à dos au ventre gonflé et le bascule sur son épaule en une motivation renouvelée et quitte ses quartiers d'un même élan. Quittant cette fois la cité marquisale par son accès piéton aux larges littoraux aréneux, c'est au plus près d'un océan déchaîné qu'il travaille désormais sa souplesse laissant à désirer, et qui requiert de lui une attention toute particulière dans le cadre de ses talents martiaux...

Cette singulière rencontre sème ainsi les graines d'une inexplicable relation vouée à définir d'elle-même les limites de ses contours à mesure d'accidentelles occurrences. Et la prochaine n'allait guère tarder à survenir...

***


[Fin]