
* * *
Le temps est à la grisaille ; les rafales désespérées ne parviennent à en chasser l'écran opaque, l'empyrée demeure harassé par les nuages bas que le large charrie sur les côtes de la capitale telle une écume tenace. L'aube s'est tout juste manifestée en aquarelle rosâtre par delà l'horizon dentelé de remparts et signale à la nature environnante de s'éveiller. À une heure où rares sont les habitants à éclore de leurs confortables bourgeons fermés à clef, Dread s'aventure d'ores et déjà hors des remparts de Seirithan munie d'une besace dont le ventre glouton compte quelques outils de botaniste : loupe, sécateur, pinces, gants et flacons, une panoplie qui ne la quitte jamais lorsqu'elle bat la campagne abordant la grande cité de Toryai. Un autre instrument fixé à sa ceinture longe perpendiculairement son échine et n'est autre qu'un petit sabre dont la surface damassée est une spécialité lykéenne. La lame droite est sagement rangée dans son fourreau de bois verni, prête à être dégainée au moindre danger. La jeune femme a pris soin de relever sa longue tignasse raide d'un noir de jais en un chignon désordonné au sommet de son crâne dont deux mèches réfutent l'autorité en encadrant son visage anguleux aux traits si caractéristiques des clans montagneux. L'air frais l'a contrainte à revêtir un veston de cuir à manches longues dont le brun rappelle l'écorce des végétaux endémiques et dont elle ferme précautionneusement le col tandis qu'elle quitte la route principale en glanant quelques galets érodés par les crues de l'océan afin de rejoindre une petite butte herbeuse sur laquelle elle s'agenouille.
Toute sortie de sa part s'accompagne d'une prière aux éléments que Dread ritualise en ce jour par la reconstruction d'un cairn régulièrement assiégé et balayé par Dame Nature et qui se trouve à quelques cinquantes mètres de l'entrée majeure de la cité du marquisat. Bâtissant solennellement ce temple parasite avec la minutie d'un horloger, la jeune femme récite avec diligence les mantras de leur culte local. Connue pour être spirituelle et très traditionnaliste, la famille Morcedred est une institution parmi la population de Seirithan. Pharmaciens, minéralogistes, horticulteurs, nombreux sont ses cousins, oncles et aïeux à se partager les différentes disciplines des sciences de la vie dont la composante humaine fait rarement partie sinon par le développement de médicaments et remèdes. La vie en laboratoire est une pénibilité que la botaniste repousse tant bien que mal, avide d'aventure et de communion avec ce que l'île a à lui offrir.
Se sont passés plusieurs mois depuis le dernier évènement ayant bousculé son quotidien. En début d'année, une étrangère d'un âge similaire au sien fut la dernière recrue du salon des arts qu'une branche différente de sa famille détient depuis des générations. Sa tante, Tamara Dorvall dite Tammy, avait jugé bon d'accueillir cette musicienne dont l'instrument si caractéristique se prêtait à merveille à l'atmosphère lykéenne de leurs spectacles à huis-clos. Naturellement, l'instinct maternel de la jeune Dread avait aussitôt pris les devants et s'était fait un point d'honneur à guider la ressortissante réservée dans les méandres entre tradition et modernité de leur vaste culture. Port du kuraïmoiré, cérémonie du thé, de nombreuses coutumes lui avaient été montrées puis enseignées avec en figure de proue l'enthousiasme communicatif de l'autochtone qui n'hésitait pas à la traîner avec elle dans ses errances horticoles à distance des remparts citadins. Mais avant même que l'été ne brille sur les vallons verdoyants de Toryai, cette nouvelle employée avait annoncé sa démission au profit d'autres projets dont elle n'avait pas mentionné les spécificités. Et depuis, Dread n'avait pas eu l'occasion de la revoir ni même de lui adresser un courrier quel qu'il soit. Siltaar avait tout simplement disparu de sa vie du jour au lendemain.
Tout du moins, jusqu'à ce jour. L'herboriste se signe et parachève ainsi ses recueillements en se redressant, époussetant les brins d'herbe crochetés à son pantalon de toile épaisse et fait volte-face pour tomber nez à nez avec un fantôme du passé...
Toute sortie de sa part s'accompagne d'une prière aux éléments que Dread ritualise en ce jour par la reconstruction d'un cairn régulièrement assiégé et balayé par Dame Nature et qui se trouve à quelques cinquantes mètres de l'entrée majeure de la cité du marquisat. Bâtissant solennellement ce temple parasite avec la minutie d'un horloger, la jeune femme récite avec diligence les mantras de leur culte local. Connue pour être spirituelle et très traditionnaliste, la famille Morcedred est une institution parmi la population de Seirithan. Pharmaciens, minéralogistes, horticulteurs, nombreux sont ses cousins, oncles et aïeux à se partager les différentes disciplines des sciences de la vie dont la composante humaine fait rarement partie sinon par le développement de médicaments et remèdes. La vie en laboratoire est une pénibilité que la botaniste repousse tant bien que mal, avide d'aventure et de communion avec ce que l'île a à lui offrir.
Se sont passés plusieurs mois depuis le dernier évènement ayant bousculé son quotidien. En début d'année, une étrangère d'un âge similaire au sien fut la dernière recrue du salon des arts qu'une branche différente de sa famille détient depuis des générations. Sa tante, Tamara Dorvall dite Tammy, avait jugé bon d'accueillir cette musicienne dont l'instrument si caractéristique se prêtait à merveille à l'atmosphère lykéenne de leurs spectacles à huis-clos. Naturellement, l'instinct maternel de la jeune Dread avait aussitôt pris les devants et s'était fait un point d'honneur à guider la ressortissante réservée dans les méandres entre tradition et modernité de leur vaste culture. Port du kuraïmoiré, cérémonie du thé, de nombreuses coutumes lui avaient été montrées puis enseignées avec en figure de proue l'enthousiasme communicatif de l'autochtone qui n'hésitait pas à la traîner avec elle dans ses errances horticoles à distance des remparts citadins. Mais avant même que l'été ne brille sur les vallons verdoyants de Toryai, cette nouvelle employée avait annoncé sa démission au profit d'autres projets dont elle n'avait pas mentionné les spécificités. Et depuis, Dread n'avait pas eu l'occasion de la revoir ni même de lui adresser un courrier quel qu'il soit. Siltaar avait tout simplement disparu de sa vie du jour au lendemain.
Tout du moins, jusqu'à ce jour. L'herboriste se signe et parachève ainsi ses recueillements en se redressant, époussetant les brins d'herbe crochetés à son pantalon de toile épaisse et fait volte-face pour tomber nez à nez avec un fantôme du passé...


