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Re: [ALENTOURS] De la rencontre du feu et de la glace | Siltaar & Zak'm

Publié : 22 sept. 2024, 18:21
par Encres Nomades
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Hm. Ils semblent bien s'accorder. amorce-t-elle, tête inclinée sur le côté, tandis que ses prunelles d'opale poursuivent le sillage rapide de l'herboriste dont l'attitude semble s'être assagie au contact de l'estropié. Elle ajoute après un silence éloquent. Pour les pitreries.

Les remparts déjà s'érigent, annonçant le terme de cette insolite escapade, et présentent l'une des impressionnantes portes permettant d'accéder à la capitale lykéenne. Faite de pierres de taille, flanquée de deux hautes tours rondes, ornée des bannières au loup du Marquisat, elle marie force et élégance. Passant sous l'arche du remarquable édifice dont les grands vantaux de bois appesantis de fer béent sur les rumeurs mercantiles de la ville, Siltaar remonte l'artère au côté de son guide.

J'ai appris deux ou trois-... Techniques d'auto-défense, par le passé. reprend l'Artiste, laconique sur la temporalité exacte de cette période révolue. En ces temps troublés où-... Le moindre coin d'ombre peut celer un nid de frelons, il n'est pas bon-... D'être une femme isolée. Un bout de langue rose vient humecter ses lèvres affectées d'une soudaine sécheresse tandis qu'un vague haussement d'épaules se fait messager d'une feinte nonchalance. J'attribue d'avoir pu maîtriser cet homme à temps-... À la chance.

Autour d'eux, bourgeoisie et roture s'extirpent de leur nid douillet, cependant que d'autres, déjà sur le pied de guerre, piétinent vers la place d'un marché aux étals tout juste achalandés et près desquels s'expriment les premières harangues. Aux balbutiements de cette maussade matinée se fondent l'écho de conversations discrètes, la rumeur de rires perlés ou graves, l'aboiement d'un chien agacé.

Tous-... ? rétorque-t-elle sur un souffle de rire qui anime agréablement ses épaules roides. Certes, non. Je n'ai pas le palais assez épicurien pour cela. Maiiis-... Hm, j'apprécie particulièrement les sushis et le tartare de-... Vrenis étalé sur ce qu'ils appellent des-... Blinis ? Un coup d’œil jeté par-delà le bord jaloux de son capuchon lui permet de courtiser le faciès du basané et d'attraper au vol cette esquisse de grimace. Ses canines au léger bombé croquent la pulpe de sa lèvre inférieure. … Vous n'aimez pas le poisson ?

Après avoir recueilli la palabre que l'homme du désert daigne lui céder, la Musicienne érige soudain l'index de sa senestre entre eux ; l'envol délicat, exonéré de parole, invite le basané à la patience cependant qu'elle accélère son pas pour se porter au devant d'une boutique dont le massif présentoir de bois, sous sa vitrine joliment décorée, stimule l'odorat du chaland par le fumet appétissant d'une collection de petits pains à peine sortis du fourneau. Sous l'auvent protecteur de sa coiffe de tissu que Siltaar retient de la pince mesurée de ses pâles digitales, le nez hume le moelleux de ces fragrances. D'une foulée décidée, la jeune femme s'engouffre ensuite à l'intérieur de l'échoppe à l'atmosphère accueillante d'où s'échappent des odeurs tièdes de pâte cuite. Parvenue au comptoir anobli de farine, elle engage un échange rapide avec le mitron. Il s'écoule à peine un chapelet de minutes lorsque la silhouette de l'Artiste s'extirpe du petit commerce, les bras chargés de cinq brioches à l'aspect généreux. Un aller-retour exécuté d'une volée de pas alerte lui fait aborder le trio auquel elle propose les douceurs acquises puis rebrousser chemin et réitérer son offre à l'endroit du maître d'armes, l'une des deux dernières pâtisseries en équilibre au creux de sa paume levée vers ce dernier. La prunelle quêtant son opposée sans vaciller ou fomenter une retraite, sa prose éraillée se veut neutre lorsqu'elle reprend la parole au terme de cette échappée.

Toutes ces passes et ces voltes ne vous ont-elles pas ouvert l'appétit, mess-... ! Zak'm ? corrige-t-elle aussitôt, se souvenant que ses envolées protocolaires ne sont pas du goût du réfugié.

Re: De la rencontre du feu et de la glace | Siltaar & Zak'm

Publié : 22 sept. 2024, 22:10
par Yiajmhat
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Elle est une distraction dont il pourrait se passer durant ses sessions. Preuve en est.

Le menton hissé dans la direction du trio, sa mine n'évoque guère la plaisanterie ou la légèreté. Empiéter sur son travail, aussi bénévole soit-il, a le don de l'agacer passablement. Toutefois, il emploie sa senestre libre à peigner sa lourde crinière aile-de-corbeau afin de balayer le sujet aussitôt abordé. Les inflexions éraillées de la tessiture féminine résonnent de nouveau sous l'auvent de son capuchon bien trop avancé sur son front, mentionnant un apprentissage de techniques défensives. Déviant le chef de façon à englober sa physionomie du coin de l'œil, Zak'm se fend d'un sourire espiègle rajeunissant quelque peu ses traits taillés à la serpe. Le temps d'une seconde, il considère ses camarades quelques mètres en avance puis l'extrémité plane de l'arme qu'il balance prudemment à chaque pas supplémentaire.

Des compétences qui ont encore leur utilité au regard des réactions excessives de la garde de la famille Lycaeus. Vous pourriez vous joindre à nous quelques fois, lui propose-t-il, mi-figue mi-raisin.

Le maître d'armes acertainé de l'efficacité de la mémoire de l'Artiste faisait référence à l'interrogatoire mené sur le perron du palais de Varys, et tout particulièrement à un geste ayant rajouté quelques gouttes d'huile sur un feu prêt à prendre. Cette invitation n'en devenait pas moqueuse le moins du monde car le vothian se voyait suffisamment intrigué pour instiller l'idée d'une autre rencontre, un jour. Mais le sujet de la nourriture revenait sur la scène de leurs échanges un brin folâtres, et aussitôt l'étranger dont le teint cuivré se moire de gris sous le chiche soleil du littoral secoue le chef sur la négative.

Non, ça n'est pas à mon goût. C'est ici que j'y ai goûté pour la première fois, et certainement ici que j'y goûterai pour la dernière fois. Et l'idée de le manger cru me paraît aberrante. J'ai une relative préférence pour la viande de bœuf. Du moins, elle m'évoque une saveur plus familière.

N'était-ce pas cohérent pour un homme du désert de ne pas savoir apprécier les mets marins ? S'il était tout-à-fait probable qu'il provienne d'une planète plus tempérée, le rasoir d'Occam suggérait qu'il n'ait pas côtoyé l'océan auparavant, ou de trop peu. N'avait-il qu'à peine le temps de parachever son aveu que les pas discrets de la Musicienne se pressent au devant de lui, ses prunelles virides louchant sur cet index qu'elle lui présente comme une pause dans leur dialogue. La silhouette encapuchonnée s'éloigne, longe la dalle du trottoir et double sans vergogne le trio alangui par l'épuisement d'un trajet encombré qui d'une blessure, qui d'un blessé. Interpellé, le basané rehausse le cou, cherche à fouiller le paysage d'un regard curieux par delà les silhouettes cassées de ses compatriotes. Le chaperon noir s'engouffre hâtivement dans une échoppe d'où émanent les fragrances sucrées des pâtisseries voire légèrement brûlées du pain bien doré, et ne laisse à voir que le pan de sa capeline au solitaire individu resté en aval du contingent. Le pas ne ralentit pas tant elle a pris d'avance, si bien que ce n'est qu'à l'instant où les benjamins franchissent l'étal enfariné que sa fugace allure reparaît. Distribuant le fruit de ses achats à chacun de ses pairs, qui s'en emparent sans rechigner tout en la remerciant chaleureusement, Dread attrape son dû et aussitôt jette un œil par dessus son épaule afin de suivre la fuite de sa comparse vers les abords de son cavalier du jour.

À son tour, Zak'm reçoit l'offrande de ce spectre blafard dont le capuchon relevé sur son front pâle révèle de nouveau la froideur hiémale de ses iris opalescents. Le pas ralenti par ce retour furtif à ses côtés, l'étranger toise momentanément sa comparse selon les règles de leurs échanges mutiques dont la durée s'étire effroyablement. Il ne décroche les harpons smaragdins des cibles argentées que pour mieux darder la boule de pâte gonflée qu'elle lui propose sympathiquement. Ajustant son fardeau encombrant sur son épaule, le basané finit par tendre une main frappée de noirâtres esquisses difficiles à déceler à distance, pour s'en emparer et relever brièvement son attention sur le minois courtois de l'Artiste.

... En effet. J'apprécie le geste, merci, lui renvoie-t-il d'un sourire agréable en hissant la pâtisserie en l'air comme l'on abaissait son couvre-chef autrefois.

Quelques façades suffirent à la tête de peloton pour interrompre sa marche, ayant glané plusieurs mètres de plus après cette surprenante interruption. Le cabinet médical se trouvait là, à l'angle d'une rue et bien en évidence. Fort heureusement, peu étaient ceux à avoir recours à un guérisseur en ces heures matinales. Le binôme drastiquement opposé s'invite à son tour à leurs abords, le maître d'armes se souciant en premier lieu de déposer leur barda contre le béton de la devanture.

Nos chemins se séparent ici. Je compte sur toi pour le ramener à bon port Jelabbi, assure-toi qu'il ne se sente pas pousser des ailes et n'empire pas sa situation, confie-t-il au plus robuste des deux compères, non sans fustiger le plus jeune d'un regard peu amène. Et toi, fais ce que bon te semblera. Mais payer la note ne serait pas de trop, adresse-t-il à Dread qui en pince les lèvres, venant toiser le bout de ses bottes.
Ne vous en faites pas Ursa, je serai sa nouvelle jambe d'ici à ce que ce soit réglé.
Euh... Oui, bien sûr... Sil', on se revoit un peu plus tard au salon ? s'enquiert la jeune femme acculée par cette proposition sans trop hausser le ton.

Re: [ALENTOURS] De la rencontre du feu et de la glace | Siltaar & Zak'm

Publié : 23 sept. 2024, 00:38
par Encres Nomades
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… Je vous en prie. paraphe-t-elle d'un lent hochement de tête courtois, ses prunelles d'orage louchant brièvement sur les cryptiques arabesques qui charbonnent les phalanges de cette patte brune s'emparant de son tribut sucré.

Si l'Artiste a laissé en suspens sa propre réponse à l'invite ambiguë de son confrère exilé sur l'éventualité qu'elle puisse, un jour, se joindre à leur ballet martial, elle se garde d'en délivrer l'épilogue favorable dont les mots butent encore à l'orée de ses lèvres scellées. L'entorse mutique, à l'intensité aussi immodérée que déroutante, qui compromet derechef leur mire conjointe souffle le chaud et le froid sur cette conclusion pourtant simple à léguer : oui ou non. Elle ne sait cependant expliquer le versatile de ces atermoiements ridicules qui la font piétiner mentalement face à cette apostille hypothétique exprimée par le basané. Ainsi préfère-t-elle ne piper mot. Réintégrant sagement le flanc droit du réfugié, la jeune femme fomente la reprise de leur marche interrompue, la brioche au creux de sa dextre picorée avec un soin méthodique entre index et pouce de sa senestre.

La devanture du cabinet médical, trônant à l'angle d'une rue, s'immisce bientôt dans son champ de vision cependant que, la bouche pleine, empêtrée dans ses songes alambiqués, la Musicienne accuse d'une oreille distraite les derniers échanges qui occupent le maître d'armes et ses deux élèves. Un souffle nasal abîme les ailes de son nez d'un épatement las lorsque Dread, la mine contrite, se voit interpellée par le colosse et encouragée à payer les conséquences de sa bourde. Avalant son morceau de brioche doctement mastiqué, elle s'approche de son amie pour lui tenir ces palabres.

… Si cela te convient, je te retrouve ce soir, chez ta tante. murmure-t-elle, en lui pressant le coude, seul contact qu'elle se permet d'infliger à la petite demoiselle au chignon de guingois. Nous pourrions-... Partager le repas ensemble ? propose-t-elle avant de reculer d'un pas lorsque l'herboriste s'est acquittée de sa réponse. À plus tard...

Siltaar observe le trio s'engouffrer cahin-caha à l'intérieur de l'officine jusqu'à ce qu'il disparaisse derrière la porte dont le battant de bois se ferme sur la délicate silhouette de la botaniste. Pivotant sur ses talons pour se confronter derechef au réfugié de Malkinere, elle incline la tête de côté, son capuchon fuguant sur les ondulations ténébreuses de son crin affolé.

Je vous suis. fait-elle sur un ton bas, avant d'emboucher une boule de mie prélevée à son butin déjà bien amoché.

Re: De la rencontre du feu et de la glace | Siltaar & Zak'm

Publié : 23 sept. 2024, 01:42
par Yiajmhat
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On fait ça... ! À plus tard, soupire finalement Dread, soulagée.

Tout en patientant devant les ultimes échanges que ces deux amies fomentent sous son nez, Zak'm arrache un morceau de pain brioché d'une pincée carnassière entre ses doigts, puis en engloutit la chair aérée pour la mastiquer lentement. Le trio s'échappe de son champ de vision en se dissimulant derrière le vantail de la bâtisse moderne se refermant en un claquement sourd sur leur passage claudiquant. Il ne presse guère les deux jeunes femmes à se quitter, balayant l'espace que le carrefour étend devant lui : véhicules s'engageant dans le croisement avec prudence, piétons décidés à le franchir de travers en toute impunité, conversations tenues sur le pas d'une porte tel qu'ils le faisaient, Seirithan était un havre de paix rythmé par le quotidien des petites gens. Le basané s'adonnait parfois à sociabiliser avec les commerçants de son propre quartier, à fréquenter un établissement peut-être un peu prompt à servir de l'alcool, afin de ne pas se retirer totalement de la vie roturière parsemée d'individus à la peau claire voire jaunâtre.

Lorsque la silhouette encapuchonnée dont le calot glisse partiellement sur son crin charbonneux aux boucles folles se plante de nouveau devant lui, le maître d'armes s'apprêtait à dévorer un nouveau morceau de brioche dont il interrompt aussitôt l'ascension pour refermer ses lèvres fines sur un acquiescement modéré. Il était temps pour eux de rejoindre les appartements du couple Conradh, puisqu'il était pour l'heure clair que ce Zak'm n'avait pas de nom de famille. Franchissant la rue adjacente au cabinet médical qu'ils quittaient d'un pas sensiblement plus preste maintenant qu'ils n'étaient plus ralentis par le jeune homme à la cheville foulée, leur trajet occupe tout juste dix minutes de plus en direction des tours crénelées du Château des Vagues. Le quartier dont ils perçaient les frontières était bien plus bourgeois, et si les maisons individuelles étaient entrecoupées de bâtiments plus modestes, la plupart se targuent d'un système de surveillance. Au pied de l'une de ces demeures solitaires et sans véritablement marquer de halte, le vothian pointe l'allée de gravillons anthracite et commente.

C'est ici que Dearbhail vit.

Il n'y ajoute rien, quoiqu'il puisse supposer que dévoiler cette information à l'une de ses collègues puisse être utile. Mais le pas reprend en fougue et s'éloigne d'un pâté de maisons jusqu'aux abords de cette rue, au pied d'un immeuble à étage dont le battant donne directement sur la voie de circulation. De l'une de ses poches, il ôte un badge magnétique qu'il presse un brin brusquement sur le loquet dont la plaque opaque et fumée s'illumine d'un liseré bleuâtre. La sonate percussive d'une serrure déverrouillée lui indique qu'il était temps pour lui d'entrer alors, repoussant la lourde porte que l'on devine blindée, Zak'm s'engage dans cet abri qu'un détecteur de mouvements éclaire soudainement.

Libre à vous d'entrer ou non, mais la porte ne doit pas rester ouverte, avertit-il en disparaissant au détour d'un couloir.

Depuis le parvis de cet habitat, le rudimentaire du hall d'entrée frappe l'œil du tout-venant. Les murs couleur sable n'arborent aucune décoration, et seul un petit guéridon rectangulaire fait office de support à un vide-poches particulièrement vide. Pas une seule autre pièce de mobilier n'occupe l'espace de cette première pièce dont le sol couvert d'un lino ardoise assombrit davantage l'appartement aux volets baissés. Ce minimalisme semble en harmonie avec la rigueur martiale et l'ascèse que s'impose le propriétaire des lieux, pourtant son étrange manie de porter de nombreux ornements dans le cadre d'un évènement officiel jure avec cet agencement d'une rare sobriété. Il serait rationnel de se demander s'il vivait véritablement en ces lieux peu avenants.

Re: [ALENTOURS] De la rencontre du feu et de la glace | Siltaar & Zak'm

Publié : 23 sept. 2024, 21:16
par Encres Nomades
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C’est ici que Dearbhail vit.

Époussetant les miettes d’un spectre de brioche dont le dernier morceau fond déjà sur sa langue, Siltaar dirige sa mire curieuse dans la direction que désigne le basané. Mentalement range-t-elle cette information dans un coin de sa mémoire, tout en photographiant la configuration de cet environnement inédit, privilégié par la proximité des remparts de Dúanori. Un bref instant, les tours coiffées de merlons ou de toits pointus lui font de l’œil. En qualité de Dame de compagnie de l’Héritière Orla Lycaeus, bénéficie-elle d’une chambre au sein même du Château des Vagues, sa récente arrivée et ses économies drastiquement épuisées par le récent périple interstellaire ne lui ayant pas encore permis d’accéder à la location d’un bien immobilier.

Le protocole d'ouverture que l'homme du désert opère a toute son attention jusqu'à ce qu'un flottement indécis égare la Musicienne devant le seuil de la porte blindée, dont la bouche bée sombrement sur le hall d'entrée. Finalement se décide-t-elle à en franchir le seuil, tout en rejetant le capuchon de toile noire sur ses épaules, son ouïe se contentant d’écouter le chuintement du lourd huis battre en retraite dans un cliquetis de percussions sonores. Sous l’auvent de la pénombre intimiste contrastant avec la maussade luminosité de l’extérieur, le nocturne de ses pupilles se dilate, occultant presque les lampions blafards de ses prunelles qui décortiquent sans pudeur le décor de cette halte. Nul tableau, nul bibelot, ne vient entacher le sobre uniforme de cette pièce. Si elle semble étonnée par le chiche du mobilier, elle n'en émet aucun commentaire. Ainsi se garde-t-elle également de tout mouvement, ne cherchant guère à assouvir la curiosité que ses iris agrandis entre leur paupière écarquillée grignote par accrocs discrets. Plantée devant l'entrée, mains nouées devant elle, elle patiente.

Re: De la rencontre du feu et de la glace | Siltaar & Zak'm

Publié : 23 sept. 2024, 22:21
par Yiajmhat
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Abandonnant ainsi l'étrangère à ses vagabondages si elle se sentait l'âme d'une aventurière, Zak'm disparaît de son champ de vision l'espace de quelques minutes à peine. À en croire la multiplicité de son mobilier, il n'avait guère grand chose à retourner afin de retrouver ses biens certainement mis en évidence sur un maigre bureau ou méticuleusement rangés de la même façon qu'il a disposé ses bibelots dans le creux du vide-poche. Les murs au béton brut tout juste teinté de cette tonalité de jaune-brun évoquaient une vie souterraine sous de colossales dunes de sable que les chiches rais filtrant à travers les volets balayaient tel le khamsin. Pénétrer en ces lieux suspendait le temps qu'aucune horloge ne divulguait, coupait les intrus de l'agitation citadine afin de les préserver dans ce bunker sans fioriture. Le sifflement venteux n'y avait pas sa place, pas plus que le bruit de fond du brouhaha mercantile à quelques pas de là, et forçait l'invité à la méditation dont le maître d'armes se faisait peut-être un passe-temps.

Ses pas expriment un son mat lorsque l'étranger revient, chargé de trois carnets aux formats distincts placés en une pyramide aux rebords soigneusement alignés entre ses mains, certains étranglés d'un large élastique afin d'en retenir les feuillets volages qu'il maintient à l'horizontale. Il n'avale pas encore les derniers mètres le séparant de son visiteur impromptu cloîtré dans le corridor de son entrée, et considère momentanément une pièce jouxtant le hall sur sa gauche.

Si vous souhaitez en feuilleter quelques-uns ici, il y a une table. Certains croquis ont une histoire.

Sa proposition fait office de tentation, car si l'exilée se montrait à son égard aussi curieuse qu'il ne l'était à son encontre, le vothian aurait été en mesure d'en apprendre davantage en jaugeant ses réactions devant la nature de ses esquisses, si elle l'acceptait. Ici, aucune distraction, il était même incertain qu'il ait accès à des écrans et enregistrements si l'on devait émettre des hypothèses sur l'étendue de sa vie monastique. La prudence toutefois impliquait de ne pas s'inviter plus longtemps dans la cave d'un inconnu dont les mystères n'ont pu être révélés par le modeste dialogue qu'ils jouèrent depuis l'arène miséreuse. Hissant son paquetage de quelques centimètres, Zak'm réitère sagement son offre, tacite.

Re: [ALENTOURS] De la rencontre du feu et de la glace | Siltaar & Zak'm

Publié : 24 sept. 2024, 16:22
par Encres Nomades
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Privé de distraction, l’œil n'a d'autre engouement que de fustiger le proche couloir par lequel l'étranger s'est engouffré. Il ne se passe guère plus qu'une ribambelle de minutes lorsque la rumeur de pas annonçant son retour retentit dans le silence que les lieux à l'architecture compacte imposent. Un trio de carnets séquestrés par les brunes pattes capte d'emblée sa prunelle intriguée, cependant que la suggestion de Zak'm filtre jusqu'aux oreilles de l'Artiste et agite sa psyché méfiante d'un sentiment perplexe. Le Temps suspend son vol. Sur une note alanguie qui fait vaciller sa physionomie, ne peut-elle s'empêcher de rebrousser chemin en quête des étapes qui ont borné de leurs saynètes sibyllines sa rencontre avec le réfugié de Malkinere et leur intérêt commun pour le dessin : et d'en tirer la conclusion que Dearbhail Conradh, jamais, ne lui remettra ces carnets en main propre. Doit-elle s'en trouver contrariée, voire abusée, alors qu'elle-même a fait le choix de se jeter dans l'antre de ce fauve ?

Volontiers. finit-elle par lui soumettre dans un souffle éraillé, après avoir décidé de faire confiance au sourcilleux de son intuition et à son talent d'observation.

Le menton à peine dressé, Siltaar franchit alors la courte distance qui la sépare de son hôte, prête à le suivre et lui emboîter le pas jusqu'à l'intérieur de la pièce jouxtant le hall d'entrée. Le temps que dure ce déplacement armorié de silence, fiche-t-elle ses hameçons d'argent sur les reliefs d'un rare mobilier qui gouachent de leur teinte d'onyx et de safran la toile de cet insolite paysage intimiste. Et si la jeune femme repère la table mentionnée par le basané, elle ne s'y précipite pas encore mais sollicite l'attention de ce dernier d'une simple requête.

Pourriez-vous m'apporter-... Un verre d'eau, s'il vous plait ?

Re: De la rencontre du feu et de la glace | Siltaar & Zak'm

Publié : 24 sept. 2024, 18:39
par Yiajmhat
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Ce qui s'avère être un large salon a tout de l'atmosphère d'une cellule carcérale dans sa pauvreté : un sofa d'angle rectangulaire sépare l'emplacement de repos de celui du repas en un simulacre de cloison au centre de la pièce. En face, un écran occupant la hauteur du mur demeure éteint telle la toile blanche d'une salle de cinéma désertée qu'un projecteur souligne comme une plinthe enflée. Au premier plan, une table fusionnée à son mur porteur forme une excroissance longiligne autour de laquelle quatre hautes chaises aux pieds de métal brossé font la ronde. Dans son recoin, une série de flotteurs lumineux surplombe le plateau couleur marron glacé afin de renforcer la chiche luminosité dont les contours de la pièce à vivre pulsent, sa source provenant d'un faux plafond aux bordures garnies de diodes. Seul un buffet bas anoblit l'endroit d'un semblant de vie, dont la vitrine dévoile un peu de vaisselle et quelques mystérieux bibelots cuivrés.

Menant son invitée à l'orée de cet angle où il dépose son paquetage pyramidal, Zak'm se penche sensiblement afin d'atteindre un capteur dans la continuité du mur contre lequel il passe la paume de sa main en un mouvement vertical. L'intensité des luminaires augmente sensiblement et procure à la tristesse pénitentiaire un soudain regain ensoleillé, le jaunâtre de la lueur tamisée rappelant celle de l'astre d'or pourtant nettement dissimulé sur sa couche nuageuse, plus encore derrière les volets clos. De l'eau. Le guerrier vothian acquiesce sobrement et invite silencieusement son visiteur à s'installer comme bon lui semble sous le halo des géodes en lévitation, laissant à ses arachnides experts le soin de feuilleter déjà les carnets empilés. Deux minutes de plus s'écouleront lorsque le basané quitte de nouveau la pièce afin de s'isoler dans ce que l'on suppose être une cuisine adjacente. La plomberie susurrant son chuintement usuel annonce également son retour, offrant à la jeune femme aux pâles prunelles un verre au tourbillon aqueux d'un “ Tenez. ” sobre et efficace.

Qu'ils soient encore superposés ou sagement étalés sous l'étendue de la curiosité féminine, Zak'm prend soin de désigner le plus petit fascicule dont la taille s'approchant d'un répertoire téléphonique ne laisse pas grand place aux paysages.

Celui-ci contient des éléments notables du paysage, de Lykos comme d'ailleurs. Un rocher dont la forme m'interpelle, une ruine, un bâtiment, ce sont les croquis les moins détaillés, ceux qu'un moment de calme m'a permis de tracer entre deux activités.

Contournant la table afin de s'installer en face de la Musicienne plutôt qu'à ses côtés, il maintient entre eux une distance confortable tant pour elle que pour lui, par souci d'être un bon hôte tout d'abord. L'index dérive et accuse le carnet d'une taille moyenne que l'on pourrait comparer à leurs tablettes technologiques.

Celui-ci rassemble l'entièreté des paysages de Lykos où j'ai pu me rendre, mais vous devriez reconnaître quelques endroits emblématiques d'Iztamatul sur les premières pages, si le souvenir n'est pas trop lointain.

Ses prunelles froides que les flotteurs luisants réchauffent d'un liseré d'or retracent les contours du manuscrit le plus large, plus propre à un grand cahier de croquis, vers lequel il ne tend pas son doigt démonstratif qu'il préfère simplement mettre à l'abri dans une clef de bras contre son torse comme bombé de se tenir si droit. D'une simple lecture, il n'est pas ardu de remarquer qu'il se renferme quelque peu malgré sa posture impeccable.

Le dernier comprend plutôt des endroits dont j'ai le souvenir, la plupart sont certainement fantaisistes maintenant, mais vous devez connaître le devenir de Malkinere si bien que je n'ai plus d'éléments concrets sur lesquels me baser.

Laissant à cette explication son pesant de mutisme, le vothian renvoie le tranchant de ses disques smaragdins se frayer une entaille dans leurs cibles opalescentes, plutôt inexpressif en comparaison de son langage corporel.

Re: [ALENTOURS] De la rencontre du feu et de la glace | Siltaar & Zak'm

Publié : 24 sept. 2024, 21:31
par Encres Nomades
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À l'invite tacite de ce comparse exilé, la Musicienne s'installe sur l'une des hautes chaises formant carrousel autour du plateau rectangulaire. Le temps que son hôte accède à sa requête s'occupe-t-elle, avec un soin particulier, presque révérencieux, de démanteler les étages de cette pyramide de fascicules pour les déposer devant elle. Par ordre de taille. De gauche à droite. L'absence de fond sonore s'irrite d'une mélopée aqueuse annonçant bientôt le retour de la haute et massive physionomie à la périphérie de son champ de vision braqué sur les trois carnets. Le verre poliment exigé susurre sa sonate caractéristique en choquant la surface de la table, que l'Artiste accueille d'un "Merci." tout aussi sobre. Le bord du godet porté à ses lèvres, elle s'abreuve d'une longue gorgée assoiffée avant de l'abandonner à son côté gauche.

Telle l'élève concentrée et studieuse écoutant la leçon du professeur, Siltaar prend mentalement note du descriptif que Zak'm cède volontiers pour chacun de ses carnets. En parallèle de ces brefs exposés s'attelle-t-elle à en ouvrir les pages charbonnées au fusain ; ici, un menhir coiffé de sa couronne de lichens laisse flotter sur le méditatif de sa bouche pincée l'expression d'un jugement favorable ; là, la corolle enchevêtrée d'un arbre endémique attire l'index de sa senestre qui vient cajoler du toucher de sa pulpe délicate le tracé sinueux des nobles branches. L'entièreté du carnet se voit ainsi mis à nu sous le jeu assidu de ses œillades expressives se partageant, d'un feuillet à l'autre, un froncement grave de l'arc sombre de ses sourcils, un battement affairé de la dentelle de ses cils, un haussement surpris de ses paupières diaphanes. Une langue rose vient humecter ses lèvres sèches qu'une autre lampée consciencieuse vient apaiser. Et le second carnet prend la relève du premier pour subir le même châtiment de son attention inquisitrice. Rien n'est laissé au hasard, tant cette Artiste dans l'âme prend le temps de découvrir ces paysages, qui de Lykos, qui de Malkinere, dérobés au hasard d'une inspiration – comme l'interminable volée de marches du Palais royal d'Itzamatul dont la vision familière arrache à cette figure marmoréenne un de ses sourires aussi spontanés qu'ils sont rares, amusée sans doute par le souvenir de cette mémorable ascension - et dont elle croque le point de vue adopté, apprécie l'option de l'angle choisi, félicite la technique employée.

Vous avez un talent-... Certain. approuve-t-elle en refermant le second fascicule pour croiser ses bras, coudes arrimés sur le rebord de la table. Quoi que-... Je ne crois pas particulièrement au talent. Mais davantage à l'assiduité d'un-... Travail quotidien qui nous permet d'arriver à un résultat-... Honnête.

La tension émanant de l'homme du désert lorsque ce dernier évoque le troisième cahier d'esquisses ne lui échappe guère. Toujours assidue dans sa façon d'appréhender son environnement, ainsi qu'une seconde peau, Siltaar en capte les rares idiomes intelligibles que daigne bien lui révéler ce grand corps qui lui fait face. C'est pourquoi, si son jeu de regards, lui, se plaît à être intrusif, à cisailler la moindre expression émanant du faciès de cuivre, ses mains restent sagement au creux de ses coudes.

Je sais, en effet, ce qu'il est-... Advenu de Malkinere. murmure-t-elle, en penchant la tête de côté. Je peux m'arrêter là, si cela-... Vous incommode.

Re: De la rencontre du feu et de la glace | Siltaar & Zak'm

Publié : 24 sept. 2024, 22:41
par Yiajmhat
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À mon sens, nous avons tous des prédispositions, mes élèves eux-mêmes ne sont pas égaux devant ce que la nature a voulu faire d'eux. Mais il ne tient qu'à notre persévérance de les développer. Un talent passivement utilisé ne vaut jamais plus qu'un travail accompli avec sérieux. Celui-ci a permis de canaliser un adolescent un peu trop caractériel, commente-t-il en désignant d'un coup de menton les travaux que la Musicienne parcourt. Mais j'apprécie le compliment. Votre concerto était "honnête", lui aussi, ajoute-t-il non sans un souffle rieur dévoilant à peine une canine ce faisant.

Se succèdent les planches branlantes d'un cabanon soufflé par un coup de mer sur les côtes sauvages de Toryai, les falaises granitiques d'un recoin de la côte où il aura eu l'occasion de se déplacer, un aperçu de la dentelle d'archipels ornant les océans lykéens lors d'un temps au franc soleil. Les plus petits croquis sont crayonnés, leur auteur mettant à profit la mine plus affûtée d'un criterium lui permettant d'ombrer ses esquisses de quelques rayures savamment dosées. Leur style n'évolue que peu d'un feuillet à l'autre, et le vélin encore blanchâtre suggère que le fascicule soit encore assez récent et donc preuve de son travail prolifique compte tenu des presque deux centaines de griffonnages en souillant les pages. Parfois, Zak'm se fend d'un commentaire factuel sur l'emplacement d'un tel monument ou le contexte de leur découverte au détour d'un sentier de montagne. Les quelques fois où le support gondolé se fait plus visible, l'artiste dessinateur ajoute une information concernant la tempête battant sur lui au moment où il tentait de figer ses visions dans les fibres de ses canevas vierges.

Le second manuscrit dont l'élastique retenait les couches charbonnées dévoile à son tour ses trésors. Paysages bien plus complexes, dont l'agile perspective plonge l'invitée dans un diaporama du vagabondage de son auteur, défilent à mesure de folio retourné. Itzamatul et ses degrés innombrables trahissent un sentiment dont l'étranger s'abreuve, lui dont les pupilles étrécies voguent régulièrement entre l'argument couché sur papier et sa réflexion dans le panel restreint d'expressions de celle prise dans ses filets en ce jour. Un panel qui s'étend toutefois à mesure qu'elle apprécie les points de vue évoqués et les traits, factuels, d'une nature parfois cruelle. Rares sont les élans émotifs du basané si l'on ne prend en compte ses rictus subreptices creusant une fossette sous la toison drue de sa barbe finement tissée. La jungle entourant la capitale désormais engloutie est parfaite de fruits à la craie grasse, de touches de crayon blanc parfois étant donné la moiteur étouffante du continent principal luisant sur la plupart des dalles moussues. D'autres techniques s'invitent dans son crayonné, lorsque l'ombre franchit les limitations des traits parallèles pour être estompée d'un coup de pouce humidifié, lorsque l'abondance de textures crée sur le vélin plus épais un jeu de lumières accrochant les vallons et dénivelés d'une mine plus appuyée ou de l'épaisseur d'un trait de gouache. Mais le déclin de la planète se reflète parfois dans l'esquisse plus brouillonne d'un raz-de-marée vu d'une longue distance ou d'innumérables débris formant un dramatique casse-tête de pièces à reconstruire à la surface d'un lagon temporairement apaisé. Ces croquis-là, Zak'm ne les commente pas, bien assez éloquents pour trahir à eux seuls la gravité de l'instant immortalisé.

... Lorsque je vous évoquais mes occupations thérapeutiques, nous y sommes. Ce carnet en particulier est ma façon de faire le deuil. Il est fait pour être incommodant. Alors ne vous gênez pas.

Lorsque ces premières lectures s'achèvent, le temps a filé mais ni l'un ni l'autre ne peut en prendre la mesure dans cet environnement stérile. Restait un dernier ouvrage à parcourir, celui d'un esprit plus fantasque réduit à devoir imaginer un passé encore récent. Majestueux temples malkiners comme celui, célèbre, de Tatlamac, villes technologiques et centres urbains tor'uqaniens, arabesques gazeuses de Zeke-17 vues des plateaux de la planète centrale du système, l'Archipel y est vastement représenté. Mais ce qui sautera rapidement aux yeux de l'exilée sera la recrudescence de paysages désertiques. Plaines arides aux épineux vénéneux, crocs volcaniques dévorant un empyrée armé de son bouclier nuageux, immenses entités fongiques fossilisées sur les hauteurs de falaises vertigineuses, si ce cahier se limitait à ce que Thelos-III pouvait offrir il était cependant clair qu'une préférence marquée s'axait sur un horizon bien plus hostile. Et d'hostile, l'Archipel ne comptait qu'une lune en particulier : Voth Prime.