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Au mitan de cette matinée à l'ensoleillement frileux, un quatuor de cumulus au ventre replet s'amourache de ce lampion haut perché qu'avril impose, le soutenant au creux d'un écrin cotonneux que l'astre peine à quitter. Au sommet d'un cortège de falaises vertigineuses, des mouettes se disputent âprement quelque butin à écailles, leurs protestations braillées se répercutant sur les parois de schiste en échos dissonants. Sous l'auvent de ces colosses aux joues rebondies, Siltaar longe ce chemin de ronde naturel qui borde le précipice sans garde-fou. À son épaule droite oscille l'étui de cuir renfermant son précieux biwa. En cette heure précoce ne déroge-t-elle pas à ce rituel musical qui la pousse à côtoyer un amas de rochers lui servant d'estrade minérale. L'Artiste poursuit ainsi sa quête jusqu'à atteindre le seuil d'une déclivité qui se mue en sentier accotant la façade rocailleuse. En contrebas, l'océan a entamé sa lente retraite et tire patiemment sa révérence pour ne laisser qu'un parterre de goémons malmenés, de flaques d'eau salée, de sable lissé et de galets scintillants sous les feux du soleil. Nullement pressée, la jeune femme foule la sente blafarde bordée de genêts jusqu'à retrouver l'arène plane et humide de l'impressionnant rivage mis à nu. Là-bas, au pied de l'à-pic aperçoit-elle l'attroupement rocheux vers lequel elle pousse ses pas, grimpant et s'installant enfin sur le flanc d'un de ces monolithes de granit.
Méthodique, elle dézippe la fermeture éclair scellant l'étui et en extirpe tout d'abord un petit tapis étroitement enroulé sur lui-même. L'étalant, elle y pose ses genoux et s'attelle ensuite à récupérer le cordophone de bois blanc. Une poche intérieure de la housse de protection lui cède le plectre ligneux qu'elle agite adroitement entre les doigts de sa senestre.
Le biwa positionné sur ses cuisses, Siltaar cesse pourtant tout mouvement. Son regard fébrile, cerné d'ombres violacées, chasse les vestiges traumatiques que son séjour à l'hôpital civil de Seirithan lui a sombrement légués. Si elle se souvient n'avoir pas tant été confrontée à ces redoutables hallucinations que ses pairs ont subies, elle ne peut qu'admettre en avoir affronté les séquelles. Après coup. Des stigmates qui ont agi sur son cerveau à l'instar d'un dommage collatéral. Car pendant ces deux semaines d'isolement forcé, à se soumettre à moult examens médicaux, ses cauchemars ont-ils redoublé de netteté et d'intensité dans leur violence onirique. Et de fait, ses insomnies se sont-elles calquées au rythme de ces résurgences intempestives. Enfin, la nette estafilade infligée par le scalpel dérobé du maître-pâtissier s'est vu brodée d'une dizaine de points de suture dont elle sent les tiraillements sous le pansement. Malgré la fin de cette interminable quarantaine, l'Artiste lutte pour s'arracher aux tortueuses racines du sommeil. L'idée la rebute et l'angoisse. Or elle est consciente, qu'un jour ou l'autre, elle devra pousser la porte de la baie médicale de la Maison Lycaeus. Quémander de l'aide, quelle qu'elle soit, avant qu'elle ne sombre dans la folie.
Un perfide tressaillement l'extirpe de cet envoûtement contemplatif, hagard. Inspirer. Expirer. L'air marin emplit ses poumons qu'elle gonfle d'un ample sinusoïde pour en vider aussitôt l'air vicié. Sa dextre tremblante s'affaire sur le manche court tandis que sa senestre, armée de l'éventail de bois, entame son plaidoyer plaintif, presque repentant, ses notes offertes en pâture aux vagues pour l'heure démissionnaires.
Méthodique, elle dézippe la fermeture éclair scellant l'étui et en extirpe tout d'abord un petit tapis étroitement enroulé sur lui-même. L'étalant, elle y pose ses genoux et s'attelle ensuite à récupérer le cordophone de bois blanc. Une poche intérieure de la housse de protection lui cède le plectre ligneux qu'elle agite adroitement entre les doigts de sa senestre.
Le biwa positionné sur ses cuisses, Siltaar cesse pourtant tout mouvement. Son regard fébrile, cerné d'ombres violacées, chasse les vestiges traumatiques que son séjour à l'hôpital civil de Seirithan lui a sombrement légués. Si elle se souvient n'avoir pas tant été confrontée à ces redoutables hallucinations que ses pairs ont subies, elle ne peut qu'admettre en avoir affronté les séquelles. Après coup. Des stigmates qui ont agi sur son cerveau à l'instar d'un dommage collatéral. Car pendant ces deux semaines d'isolement forcé, à se soumettre à moult examens médicaux, ses cauchemars ont-ils redoublé de netteté et d'intensité dans leur violence onirique. Et de fait, ses insomnies se sont-elles calquées au rythme de ces résurgences intempestives. Enfin, la nette estafilade infligée par le scalpel dérobé du maître-pâtissier s'est vu brodée d'une dizaine de points de suture dont elle sent les tiraillements sous le pansement. Malgré la fin de cette interminable quarantaine, l'Artiste lutte pour s'arracher aux tortueuses racines du sommeil. L'idée la rebute et l'angoisse. Or elle est consciente, qu'un jour ou l'autre, elle devra pousser la porte de la baie médicale de la Maison Lycaeus. Quémander de l'aide, quelle qu'elle soit, avant qu'elle ne sombre dans la folie.
Un perfide tressaillement l'extirpe de cet envoûtement contemplatif, hagard. Inspirer. Expirer. L'air marin emplit ses poumons qu'elle gonfle d'un ample sinusoïde pour en vider aussitôt l'air vicié. Sa dextre tremblante s'affaire sur le manche court tandis que sa senestre, armée de l'éventail de bois, entame son plaidoyer plaintif, presque repentant, ses notes offertes en pâture aux vagues pour l'heure démissionnaires.

