[RP FERME] Dans les récifs de l'Être | Clôturé
Publié : 19 sept. 2024, 21:40

"La fumée des forges, fantôme du passé, s'élevait encore vers le ciel, se mêlant aux nuages bas. Le froid mordant de l'aube m'arracha doucement de mon rêve; je m'habillai en silence, enfilant comme seul vêtement ma bure rouge fatiguée par le temps avec laquelle j'avais affronté tant d'épreuves. Mon regard balaya la pièce, s'arrêtant un instant sur l'humble équipement que j'avais préparé; puis, sans un regard en arrière, je m'engageai sur le chemin, les cheveux fouettés par le vent, prête à accomplir une nouvelle fois ma pénitence."
La nuit se retire. Une aube resplendissante chasse les étoiles, mes compagnes de ces heures obscures. Une à une, elles s'effacent, cédant la place au soleil naissant. Mes pieds nus, meurtris mais exaltés, s'enfoncent dans le sol sacré de Toryai laissant derrière eux une traînée de sang. Chaque pas est une agonie, une offrande à cette terre ancestrale, un rapprochement vers le cœur vibrant de la lune qui veille sur moi.
Le sentier, d'abord docile, se transforme en serpent de pierre sinueux, s'enroulant autour des falaises vertigineuses. Le vent, fouetté par les embruns salés, hurle une mélodie sauvage. Accrochée au bord du monde, je sens mon cœur battre à tout rompre, un tambour fou contre mes côtes. Devant moi s'étend l'océan immense et rugissant, une force colossale qui me rappelle à quel point je ne suis qu'un grain de sable dans l'univers.
À mesure que j'avance, l'ombre s'allonge. Le paysage se déploie comme une fresque cosmique. La montagne, colosse de granit couronné de neige, étirant les ombres des rochers comme des tentacules, me défie du regard; ses parois abruptes, griffées par le temps, semblent m'appeler au défi. Les lacs, miroirs célestes enchâssés dans les montagnes, reflètent le ciel changeant du soleil, déjà bas sur l'horizon, en une palette infinie de mille nuances de rose et d'orange. Je m'arrête, le souffle coupé, devant l'un d'eux. L'eau, cristalline et profonde, me tend les bras, m'invitant à plonger dans ses abysses et à y retrouver mon âme. Je ferme l'œil un instant ; je vois alors défiler devant moi des images confuses, un visage souriant, des mains tendues, des voix chuchotant des mots oubliés, des souvenirs d'une autre vie, d'un autre temps. Est-ce un rêve, ou une mémoire enfouie ? Je ne sais pas, mais je sens une paix profonde m'envahir. La nuit tombe rapidement. Je m'enveloppe dans ma bure.
Après d'innombrables heures de marche, je commence enfin à descendre vers les plaines. Un nouveau jour se lève, apportant avec lui une lumière douce et réconfortante. Je poursuis ma route, revitalisée par les énergies de la nature renaissante. Je pénètre dans un monde de douceur et de sérénité dans lequel le temps semble s'être arrêté, figé dans cette immensité verdoyante, les champs, ondoyant au gré du vent, s'étendent à perte de vue. L'air, saturé de parfums de terre humide et de fleurs sauvages, embaume mes sens. Mais Toryai ne se contente pas de paysages bucoliques. Les rizières en terrasse, œuvres d'art façonnées par des générations d'hommes, témoignent d'une harmonie parfaite entre l'homme et la nature; chaque parcelle, sculptée dans la montagne, est un hymne à la vie.
Et puis, au loin, les landes. Un océan de bruyère et de tourbe, où le temps se perd dans le rêve vaporeux de la brume. Le silence y est absolu, à peine troublé par le chant éolien des herbes. Je suis seule, face à moi-même, face à l'immensité. Chaque pas est une victoire, chaque paysage une révélation. Je suis une pèlerine sur cette terre sacrée, en quête d'une expiation depuis des jours, des heures qui semblent s'étirer à l'infini. À mesure que j'avance, le paysage se déploie comme une fresque cosmique, et moi, avec lui, je me transforme, comme les saisons qui succèdent aux saisons.
Enfin, j'y suis. Mon corps éreinté de fatigue, mes pieds, masse de chair ensanglantée, refuse le pas supplémentaire. Je me laisse choir, fermant l'œil : depuis quand marche-je ? Deux jours ? Trois jours ? Tout est si calme, nous ne faisons plus qu'un. Mon corps meurtri est l'offrande pour les esprits de mes prières. Les membres engourdis, je retrouve péniblement la sensation. Ma paupière lourde se lève sur un monde obscur; des années semblent s'être écoulées depuis que j'ai entamé cette quête. À l'intérieur, une tempête fait rage, secouant les fondements de mon être; pourtant, dans ce chaos, une lueur vacillante s'allume. C'est le moment, celui où je m'offre en sacrifice. La mélodie de ma prière s'élève, rauque et déchirante, comme le cri d'une âme en peine. Je supplie...
Grands esprits de Lykos, gardiens bienveillants de cette terre. Je me forçais a bien détacher les mots:
Je viens devant vous, accablée par le poids de mes fautes, le cœur lourd de regrets, pour vous confier mes tourments. J'ai manqué de respect à votre création, à cette terre qui nous nourrit et nous abrite. haut et fort pour que tous les entendent,
Je m’incline devant vous, mon cœur lourd comme une pierre. Dans l’ombre de mes actes, j’ai profané votre sanctuaire, souillé la beauté de votre création. Mes mains, autrefois innocentes, ont porté atteinte à la vie, et mes lèvres ont tissé des mensonges. Je suis rongée par le regret, consumée par la culpabilité. j'en venais à crier certains passages,
Vous, esprits des montagnes, témoins silencieux de mes erreurs et de ma folie, permettez-moi de soulager mon âme en vous confiant mes remords, voyez la douleur qui me consume. comme pour me débarrasser de cette souillure,
Vous, esprits des lacs, reflets de la pureté et de ma honte, purifiez mes pensées, mon âme et apaisez mon cœur tourmenté autant que vous le pouvez. miroir de ma faiblesse,
Vous, esprits des falaises, symboles de la force indomptable de la nature, donnez-moi la force de supporter le poids de ma culpabilité. affameur de ma vie.
Vous, esprits des plaines et des vallées, nourriciers de toute vie, je suis indigne de vos bienfaits mais accordez-moi le réconfort de votre présence. Sans le moindre calme,
Vous, esprits des côtes, balayés par les tempêtes, enseignez-moi l'humilité face à la puissance de la création car je suis comme une naufragée sur votre rivage. je manifestais toute mon impatience,
Vous, esprits des rizières, symboles de la patience et de la gratitude, initiez-moi à cultiver ces vertus. J’ai récolté sans semer, exigé sans donner. dans un aveu déchirant,
Vous, esprits des landes et des tourbières, gardiens des secrets de la terre, je suis ignorante de vos mystères, aidez-moi à trouver la paix intérieure. de ma culpabilité écrasante.
Esprits de Lykos, je ne demande pas votre pardon, car je ne le mérite pas. Je viens simplement vous implorer d'écouter mes supplications, espérant que le temps pourra apaiser ma souffrance.
"Le crépuscule, sombre et mélancolique, succéda aux derniers rayons du soleil. Immobile, je restais là, une ombre se détachant de la lumière, dans l'attente d'une illumination qui ne vint jamais. Mon regard se perdit dans le ciel où les étoiles commençaient à scintiller. Chacune d'elles semblait être un œil qui me jugeait. Le poids du monde pesait sur mes épaules et je me sentis infiniment petite et insignifiante".