[LOUPS] Maître du Jeu a écrit : ↑06 sept. 2024, 12:17
Le mouvement est précis, presque imperceptible pour ceux qui ne guettent pas ce signe particulier.
L’éventail d’Orla s’incline légèrement en direction de la musicienne. Elle saura que ce geste n’est pas une simple politesse : c’est une invitation à cesser son jeu, à quitter la scène en douceur, sans attirer l’attention de manière brusque. Puis elle lui adresse un sourire mesuré, empreint de gratitude et de reconnaissance. Elle incline légèrement la tête en signe de remerciement, une manière silencieuse de la féliciter pour sa prestation tout en lui indiquant que le moment est venu de la rejoindre.
Et par les venelles invisibles qu’emprunte son regard attentif,
la Musicienne capte-t-elle l’imperceptible inclinaison de l’éventail de
l’Héritière des Lycaeus, dont l’arc délicat la désigne, elle. Le message se veut pourtant clair. Une autre inspiration mesurée et le mystérieux récit ainsi psalmodié par les cordes gémissantes du pâle cordophone d’amorcer son épilogue. Heureux ou malheureux, ainsi en décide le spectateur selon l’écho qu’aura instillé en son âme ce chapelet de notes entêtantes. L’étrange plectre de bois s’immobilise sur une ultime caresse, et s’élève au-dessus des cinq cordes vibrant d’un dernier appel.
Un coup d’œil à la dérobée vers
Orla lui indique qu’il est temps pour elle de la rejoindre. Lentement se rehausse-t-elle sur ses appuis, cependant que le jeune serviteur affecté à la garde de son instrument quelque peu encombrant s’avance déjà vers elle pour l’en soulager.
[LOUPS] Maître du Jeu a écrit : ↑06 sept. 2024, 12:17
Dans la grande salle, l’ambiance est plus détendue après la performance de
Siltaar. De nombreux invités viennent la féliciter, tandis que le chef d'orchestre, encore agacé, reprend sa place sur l’estrade, bougonnant à peine sous le flot de compliments qui lui échappe. Le
Comte Varykino et ses deux fils s’approchent également pour lui rendre hommage, saluant sa maîtrise et son talent. En revanche,
Althea, jalouse de toute femme susceptible de rivaliser avec elle en beauté ou en talent, s'abstient de tout compliment.
Kaeda et
Orla, de leur côté, semblent pleinement satisfaites.
Avant de s’évader,
Siltaar dédie un remerciement
au chef d’orchestre qui, la mine grincheuse, dodeline passablement quelques bons mots forcés qu’elle décide d’ignorer. Sur le trajet borné de silhouettes chamarrées d’or et de teintes vives, prend-elle le temps de récolter un verbe admiratif, un regard curieux ou un sourire confus ; les hommages du
Comte Varykino et de ses deux aînés,
Nicoló et
Lukas, écopent même d’un de ses rares sourires, un brin gêné, cependant qu’elle s’incline, prend congé et disparaît déjà dans un jeu tout en soupirs des pans de son ténébreux kuraïmoiré.
Bientôt se porte-t-elle au-devant d’
Orla Lycaeus, la tête légèrement inclinée sur le côté, l’air interrogatif. Nul talon ne vient heurter de sa rythmique parasite le sol de marbre, car en lieu et place, porte-t-elle des chaussures de cuir brun, légères et confortables, englobant la moitié de son mollet et rehaussées de lanières s’entrecroisant sur son tibia, à l’instar des cothurnes portées par les tragédiens du théâtre antique.
—
Ma Dame-… ? En quoi puis-je vous être utile ?
[LOUPS] Maître du Jeu a écrit : ↑06 sept. 2024, 12:17
Orla, tout sourire, prend
Siltaar par le bras avec un air de fausse légèreté, comme pour la féliciter en privé. En réalité, elle lui transmet des informations précieuses à voix basse.
« La Révérende Mère Beatra a eu une vision, mais elle est imprécise. Plusieurs membres de la Maison sont déjà partis enquêter, et je commence à m’inquiéter. Les enfants sont censés être dans les jardins avec Dame Salistra, sur ordre de Mère, mais je vois que les serviteurs ont fait rentrer tout le monde. Va vérifier que tout se passe bien, je te prie. »
Si l’étreinte imperceptible de
l’Héritière ne se veut nullement intrusive, ce simple contact contracte brièvement les épaules de
Siltaar. Un mouvement de recul qu’elle finit par refouler, pour forcer son attention sur les consignes que lui lègue la quarantenaire.
[LOUPS] Maître du Jeu a écrit : ↑06 sept. 2024, 12:17
Sa voix se fait encore plus discrète, marquant l’urgence de la situation :
« Je dois rester ici. Mère craint que les D’Auria n'essaient de déstabiliser la soirée. Elle a placé Père et Gunmar près du Comte Varykino et de ses fils pour les surveiller. Eirene reste ici en protection. »
D’un rapide coup d’œil, Siltaar peut voir que Kaito veille maintenant en effet sur Dorian et Nicoló, et qu'Eirene est désormais aux côtés de Beatra. La Révérende Mère semble en plein malaise, aussi la Sœur Bene Gesserit agite son éventail comme pour atténuer un coup de chaud.
Orla ajoute dans un souffle :
« Il faut maintenir cette mascarade en place. Si le moindre problème transparaît, chaque Maison verra une occasion de bondir à la gorge des autres. »
—
Je vous remercie, ma Dame. Je vais-… Profiter des jardins, ainsi que vous me le proposez.
Une palabre à la tessiture éraflée, prononcée d’un ton égal qu’elle énonce en amorce d’une entente tacite. Appuyant ses mots d’une inclinaison du chef, d’un rictus affinant ses lèvres,
la Dame de compagnie s’efface à son tour de la scène pour emprunter la direction des jardins. Ses semelles de cuir cajolant les dalles, son pas à l’allure flâneuse se veut furtif. Dans son errance teintée de promenade traverse-t-elle un petit salon où quelques convives partagent l’intime d’échanges murmurés, ou l’indiscret de rires perlés. Un court passage sert de seuil à une impressionnante galerie d’art où se confrontent tableaux de maître, sculptures et toute une collection d’objets hétéroclites échappés des quatre coins de l’Univers. La vision de ce faste artistique ennuage un instant l’opale lactescent de ses prunelles, alentit son pas… Qui reprend aussitôt la cadence empruntée. Une porte sur sa droite, à mi-chemin de ce corridor endimanché de toiles au cadre doré, lui permet d’atteindre une vaste terrasse.
Jetant à intervalles réguliers de petits coups d’œil discrets par-dessus son épaule, elle en quitte le périmètre pour s’engager dans l’escalier menant vers
le parc aménagé du Palais de Varys. Avec ses parterres de fleurs odoriférantes, ses haies artistement taillées et ses bassins frémissants sous les légions célestes escortant la Lune Lykos, ce lieu inviterait presque à la rêverie solitaire, au repos. Néanmoins, la feinte flânerie s’étiole dès lors que
Siltaar amorce les premiers pas sur le sentier gravillonné. Et plutôt que d’entrer dans le vif de ces sujets végétaux, préfère-t-elle contourner les jardins par l’extérieur, optant pour la droite. Tous les sens aux aguets, elle tente de capter des voix, adultes ou enfantines, un indice qui lui permettrait de se repérer au cœur de ce dédale ombreux que tentent d’animer quelques lanternes aux lueurs farouches.